BX 4 TC : L'arme blanche

La seconde BX à s'engager dans la compétition est la très rare version 4TC mise au point spécialement dans ce but pour la participation de Citroën au Championnat du monde des constructeurs Rallye 1986.

Pour pouvoir participer à cet événement sportif, chaque constructeur avait pour obligation de mettre au point un modèle homologué pour la route, commercialisé à 200 exemplaires et autorise l'extension d'homologation à des séries dérivées de 20 exemplaires appelées "Evolution".

Guy Verrier alors à la tête d'un service compétition de 23 personnes a engagé la construction de prototypes chez différents sous-traitants : Lotus, Polytecnic, Danielson, Strakit, Mokrycki, Dangel et Mathiot qui se rajoutent à ceux développés par le service compétition lui-même. 

L'année 1983 sera consacré à la construction et aux essais des 11 prototypes de conception différente. La plupart sont basés sur silhouette de VISA sauf 2 sur base BX

Un seul sera retenu à ce moment-là pour briller en compétition : la CITROËN VISA 1000 pistes

Très vite il apparaît que c'est la CITROËN BX qui doit succéder à la VISA en groupe B, plus moderne, en plein essor commercial et qui pourra offrir les 200CV supplémentaires qui manquent à la VISA.

Le premier prototype est construit en 1983 par Politecnic et motorisée par la version ROC (325cv) issu du moteur de la Chrysler 180. Il participera au rallye des 1000 pistes en 1983 avec à son bord l'équipage Maurice Chomat et Didier Breton et abandonnera.

"Sa conception est intéressante car le moteur, tout en étant en position longitudinal, a été reculé et se situe presque entièrement en arrière de l'essieu avant. En conséquence la boite de vitesses (Hewland) se trouve dans l'habitacle entre les deux sièges avant. La répartition des masses est donc excellente, elle est par ailleurs équipée de suspensions triangulées avec amortisseurs classiques"  CITROSCOPIE N°22 - décembre 2010/janvier 2011

consulter l'article sur la BX Polytecnic

Parallèlement à ce prototype, CITROËN compétition développe son propre modèle équipé du moteur de la PEUGEOT 505 TURBO dérivé de la Chrysler 180. Longitudinalement positionné sur l'essieu avant il génère un important porte-à-faux. Ce choix a été opéré pour ne pas entrer en concurrence avec PEUGEOT qui partira sur la base du nouveau moteur XU pour l'élaboration de sa PEUGEOT 205 T16.

Le bloc de la future BX de compétition est né dans les années 60 par les bureaux d'études SIMCA. Ce moteur ne manque pas d'atouts, arbres à cames en tête, culasse en alliage léger très bien dessinée avec des chambres de combustion bi-sphériques, bielles courtes et bloc en fonte avec des paliers larges particulièrement robustes. Il a fait l'objet d'un développement en Formule2 par le préparateur ROC et recevra une culasse 16 soupapes ramenant sa puissance à 300cv. Sa carrière en compétition sera longue et on le retrouvera sous la capot de la MATRA Murena Rallycross de Jean-Pierre Beltoise, des PEUGEOT 505 du championnat du monde de superproduction où il développera 500cv.

Guy Verrier déclarera à la revue L'Automobile en août 1983 : "Je ne suis pas favorable à cette idée (de monter un moteur de PEUGEOT 205 TURBO 16). Ce moteur me parait trop faible de cylindrée et son bloc en aluminium risquerait de nous poser des problèmes d'adaptation"

Fin 1983 le choix de Guy Verrier est fait, et c'est le prototype maison qui sera retenu pour défendre la marque au Championnat du Monde des Rallye.

Le moteur de 505 TURBO sera accouplé à une boite de vitesses de CITROËN SM, munie d'un crabotage pour entraîner l'arbre de roues arrières motrices, système de freinage et de direction DIRAVI de CX. Seul point commun avec la BX Politecnic, une suspension avec double triangles sur chaque roue, mais cette fois accouplé au système hydropneumatique.

Début 1984 le développement de la BX4TC est lancé à l'atelier de Trappes (Yvelines) et la première présentation d'un prototype de BX4TC aura lieu au salon de l'Automobile de Paris en octobre de cette année. C'est à cette occasion que l'appelation "4TC" lui ai donnée. Les éléments de carrosserie ne sont pas encore définitifs, ils préfigurent ce que sera la version série 200 qui verra le jour un an plus tard.

La BX 4 TC Série 200 sera ce le nom de ce véhicule "civilisé". Guy Verrier, directeur du service de compétition, a fixé 3 principes à sa conception:

- les 200 exemplaires nécessaires à l'homologation au groupe B doivent répondre aux caractéristiques des voitures de rallyes

- La BX TC Série 200 doit également être une grande routière commercialisable dont l'usage ne doit pas être limité aux circuits et rallyes, avec un réel confort et une réelle habitabilité pour les passager et les bagages.

- Les organes et les pièces servant à la conception du véhicule devaient être déjà existants, issus de la banque PSA et longuement éprouvés. Le but étant de commercialiser une grande partie des 200 véhicules à prix coûtant.

Donné en performances pour plus de 220 km/h et le km départ arrêté en 27,5 s’’. Sans doute mal rodés, les modèles essayés par la presse ne confirmeront pas ces performances (en moyenne 210 km/h et le km d.a en 28 s’’). Les essais réalisés par la presse sont critiques et soulignent le côté « meccano » et le manque de mise au point du véhicule. Cela ne favorisera pas leur commercialisation.

BX 4 TC Evolution est le nom donné à la version destinée à courir. Les caractéristiques techniques sont encore plus poussées que sur la version "série 200". Au total 20 exemplaires seront construits à partir de modèles de la série limitée, 15 resteront à la disposition de la marque, les 5 autres seront vendus à des filiales ou écuries privées pour 800 000 FF pièce environs.

C'est par une belle journée d'octobre que s'est tenu la présentation à la presse de la BX4TC Evolution à la sablière de Jablines (77) près de Meaux avec quelques essais effectué par les pilotes et les mécaniciens.

 

  • Moteur

Le moteur sera identique à la version "client", le N9TE. Cylindrée 2141,5 cm3, corrigée 2141,5 x 1.4 = 2889 cm3. Carter en fonte, culasse en alliage léger. Placé à l'avant longitudinalement, incliné de 15° vers la droite. Arbre à cames en tête commandé par chaîne. Injection K Jetronic. Suralimentation par turbocompresseur KKK (type K26) avec échangeur air/air. La pression de suralimentation est réglable à partir du poste de commande. Circuit de graissage avec un carter sec et deux radiateurs d'huile à l'arrière. Circuit de refroidissement avec un radiateur à également à l'arrière. Régime maximal 8000 tr/min, régulé par coupure d'allumage. Puissance maximale 380ch DIN à 7000 tr/min pour une pression de suralimentation de 1300 millibars. Couple maximal 46 m.kg à 5500 tr/min. Allumage électronique (AEI).

  • Transmission

Boîte 5 vitesses identique à la BX 4TC série 200. Embrayage à diaphragme bi-disque à sec, commandé hydrauliquement. Inverseur-décraboteur de rapport 1 accolé à la boîte de vitesses. Autobloquants AV et AR à glissement limité variable (défini suivant l'adhérence au terrain).

  • Carrosserie

Berline 5 portes, 2 places de couleur blanche. Capot moteur, ailes, portes, hayon, pare-chocs en kevlar-carbone. Glaces latérales et AR en margard. Réservoir d'essence de sécurité à la norme FT3 (Superflexit), placé dans le coffre.

  • Suspension

Identique à la BX4TC "série 200" hydropneumatique à roues indépendantes et hauteur constante. Diamètre de base des barres antiroulis: 25 mm à l'AV, 23 mm à l'AR.

  • Direction

A crémaillère, assistée à rappel asservi. Rapports de démultiplication : 1/14,45 ou 1/11,16. Diamètre du volant : 340 mm. Nombre de tours de volant de butée à butée : 340 mm.

  • Freinage

Identique à la BX 4TC "série 200". Freins AV et AR à disques ventilés. Etriers AV et AR à 4 pistons (type CX à l'AV). Répartiteur defreinage manuel au tableau de bord.

  • Roues et pneumatiques

Roues en alliage léger (Amil) : 180.390 FH.H.12 avec pneumatiques Michelin "Terre" 66/18x390

  • Dimensions, poids, capacités

Empattement 2612 mm, voies AV et AR 1614 mm. Longueur (hors tout) 4590 mm. Largeur (hors tout) 1915 mm. Capacité du réservoir essence 120 litres. Capacité du circuit d'huile 15 litres (carter sec). Poids 980 kg.

  • Pilotes

Citroën participera au championnat du monde des rallyes 1986 avec deux BX4TC "évolution" pilotées par Jean Claude Andruet (né le 13 août 1942 à Montreuil 93) et Philippe Wambergue (né le 10 mars 1948 à Paris 75). A cette occasion, Total, Michelin, Valéo, Champion, SKF et Sabelt apporteront leurs compétences techniques à Citroën Compétition.

La Direction Commerciale de la région parisienne engagera de son côté une 3° BX 4TC "évolution" confiée à Olivier Tabatoni, pilote révélé par le Trophée Visa International Citroën-Total-Michelin qu'il remporta en 1983.

Ci-dessous la photo de la première page du dossier de presse du véhicule:

les débuts en course du modèle Evolution sont difficiles : 3 mois à peine après sa présentation à la presse, il est aligné au rallye de Monte Carlo piloté par J.C Andruet et P. Wambergue, où les deux voiture abandonnent assez vite. Un peu plus tard a lieu le rallye de Suède : sur la neige la BX 4TC retrouve un certain équilibre et Andruet termine 6ème. Guy Verrier décide de faire l’impasse sur le rallye du Portugal le Safary Rally et le Tour de Corse, pour se concentrer sur la mise au point de la voiture. Malgré ses 380 ch, sa taille et son poids représentent un véritable handicap. C’est au rallye de l’Acropole qu’a lieu le retour, mais malheureusement des berceaux arrière allégés et non testés provoqueront l’abandon des voitures par ailleurs très rapides en épreuves spéciales. Peu après Citroën anticipe sur la décision de la FIA d’arrêter les groupes B en fin de saison pour jeter l’éponge et stoppe l’engagement de la BX 4TC en compétition.

Ci-dessous le texte de l'annonce du retrait (Source : Crocoludo)

 

  • Palmarès

54ème Rallye Monte-Carlo : 18 janvier 1986

- Voiture n°15 ANDRUET/PEUVERGNE (9817NR92) : abandon dans la 6ème spéciale suite à un accident

- Voiture n°17 WAMBERGUE/VIEU (9829NR92) : abandon dans la 1ère spéciale, suspension HS (fuite)

36ème Rallye de Suède : 14 février 1986

- Voiture n°10 ANDRUET/PEUVERGNE (9830NR92) : 6ème place : n°11

- Voiture n°11 WAMBERGUE/VIEU (9829NR92) : abandon dans la 24ème spéciale, moteur HS

Forfaits de l'usine aux Rallyes du Portugal, Kenya et de Corse

Philippe Wambergue précisera qu'auront lieu des reconnaissances mais aucune participations aux courses

33ème Rallye de l'Acropole : 2 juin 1986

- Voiture n°14 ANDRUET/PEUVERGNE (9809NR92) : abandon à la 2ème spéciale

- Voiture n°17 WAMBERGUE/VIEU (9812NR92) : abandon dans la 1ère spéciale, suspension HS

- Voiture n°19 CHOMAT/BRETON (9799NR92) : abandon dans la 1ère spéciale, suspension HS 

Mercredi 2 juillet 1986 : Communiqué de presse de CITROËN annonçant le désengagement de la marque dans le championnat du monde des Rallyes

  • Epilogue

Un échec cuisant, à relativiser cependant par les progrès que la voiture montrait à chaque engagement en compétition et par les très bonnes performances de Chauche et Tabatoni simultanément dans le championnat de France des rallyes sur terre. Leurs BX 4 TC étaient toujours en lutte pour la 1ère place face à la 205 T16 semi-officielle de Ballet quand elles ont eu à abandonner sur panne mécanique.

Cet échec sportif rend de plus en plus difficile la commercialisation de la série 200, dont le manque de mise au point est de notoriété publique. Début 1987, Citroën se résout à réduire le prix de vente de 40% !

Cela ne suffira pas, et seulement 86 BX 4 TC Série 200 seront commercialisées ou données, les autres exemplaires seront détruits sous contrôle d’huissier. La plupart des modèles Evolution seront également ferraillé. A notre connaissance il n’en reste plus que 7 sur les 20, alors que 52 BX 4TC Série 200 reste recensée entre les mains de collectionneurs à travers le monde. (lien vers le recensement